Lorsqu’une personne majeure se trouve dans l’incapacité de gérer seule ses biens en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, la loi prévoit la possibilité de la placer sous un régime de protection juridique. La tutelle, mesure la plus protectrice mais aussi la plus contraignante, entraîne des conséquences importantes sur le patrimoine de la personne concernée. Qui va désormais s’occuper de ses comptes, de son logement, de ses placements ? Comment s’assurer que ses intérêts seront préservés ? Nous vous expliquons tout ce qu’il faut savoir sur le devenir des biens d’un majeur sous tutelle.
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ToggleLa tutelle confie la gestion du patrimoine du majeur protégé à un tuteur désigné par le juge. Celui-ci doit réaliser un inventaire complet des biens dans les 3 mois suivant l’ouverture de la mesure, puis rendre compte annuellement de sa gestion. Des règles spécifiques encadrent le sort du logement de la personne. Au décès, la succession doit être réglée rapidement sous contrôle du juge. L’objectif est toujours de protéger au mieux les intérêts de la personne vulnérable.
Lorsque le juge des tutelles ouvre une mesure de tutelle, il nomme dans le même temps un tuteur chargé de représenter la personne protégée et d’administrer ses biens. Le choix se porte en priorité sur un membre de la famille ou un proche, à condition qu’il présente toutes les garanties de moralité et de compétence nécessaires. À défaut, le juge peut désigner un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, professionnel habilité pour ce type de mission.
Le tuteur a pour mission de gérer le patrimoine de la personne protégée en « bon père de famille », c’est-à-dire avec prudence et diligence, dans le seul intérêt de celle-ci. Il doit se faire assister pour les actes les plus graves (vente immobilière, placement financier à risque…) et rendre des comptes régulièrement au juge. Son rôle est strictement encadré afin d’éviter tout conflit d’intérêts ou abus de faiblesse.
Dans les 3 mois qui suivent l’ouverture de la tutelle, le tuteur a l’obligation d’établir un inventaire complet et détaillé du patrimoine du majeur protégé. Cet état des lieux initial est essentiel pour clarifier la situation et servir de base au contrôle ultérieur de la gestion. Il doit comporter :
L’inventaire, dressé en présence de la personne protégée si son état le permet, est ensuite transmis au juge des tutelles. Le tuteur doit également établir un budget prévisionnel annuel pour planifier les dépenses courantes et anticiper les investissements nécessaires, toujours dans l’intérêt du majeur.
Chaque année, au plus tard le 31 mars, le tuteur est tenu de présenter au juge des tutelles le compte de gestion de l’année précédente. Ce document retrace de façon détaillée et justifiée tous les mouvements intervenus sur les comptes et le patrimoine de la personne protégée : revenus encaissés, dépenses effectuées, opérations exceptionnelles réalisées… Il permet au juge de contrôler la régularité et l’opportunité des actes accomplis.
Pour établir ce compte-rendu, le tuteur doit rassembler un certain nombre de pièces justificatives :
Type de justificatif | Exemples |
---|---|
Relevés de comptes | Comptes courants, livrets, portefeuille titres |
Factures | Loyer, électricité, téléphone, achats importants |
Avis d’imposition | Impôt sur le revenu, taxe foncière, taxe d’habitation |
Justificatifs spécifiques | Travaux dans un bien immobilier, contrat d’assurance-vie |
Le juge peut demander des explications complémentaires, voire rejeter certaines dépenses. Si les comptes ne sont pas rendus dans les délais ou présentent des irrégularités graves, le tuteur risque d’engager sa responsabilité civile et pénale.
Le logement est un élément essentiel du patrimoine et du cadre de vie de la personne vulnérable. C’est pourquoi la loi encadre strictement les décisions du tuteur en la matière. Le principe est de maintenir le majeur protégé dans son lieu de vie habituel aussi longtemps que possible, pour préserver ses repères.
Si la personne est locataire, le tuteur doit veiller au paiement des loyers et charges. Il ne peut résilier le bail ou vendre les meubles sans l’accord du juge. En cas de difficultés financières, un déménagement dans un logement plus petit peut être envisagé, mais toujours dans l’intérêt de la personne.
Lorsque l’état de santé ne permet plus le maintien à domicile, un placement en établissement spécialisé (EHPAD, foyer médicalisé) peut s’avérer nécessaire. Cette décision lourde de conséquences est prise par le juge, avec l’avis du médecin traitant. Le tuteur doit alors résilier le bail ou vendre le logement, pour financer l’hébergement en institution.
Le décès du majeur protégé met fin automatiquement à la mesure de tutelle. Le tuteur doit alors engager rapidement la procédure de succession, tout en continuant à gérer les biens dans l’attente du règlement définitif :
En l’absence de testament, la succession est dévolue selon les règles légales aux parents les plus proches. S’il existe un testament, le tuteur doit veiller à son exécution, sous le contrôle du juge. En cas de conflit entre héritiers, de passif successoral important ou d’acceptation à concurrence de l’actif net, le règlement de la succession peut s’avérer long et complexe.
Tout au long de son mandat, le tuteur engage sa responsabilité civile et pénale dans la gestion des biens de la personne protégée. Il doit agir avec loyauté, dans le seul intérêt du majeur, en évitant tout conflit personnel. S’il outrepasse ses pouvoirs, commet des négligences ou des malversations, il s’expose à des sanctions.
Les actes irréguliers peuvent être remis en cause par le juge des tutelles. En cas de faute de gestion, le tuteur peut être condamné à indemniser le préjudice subi par la personne ou ses héritiers sur son propre patrimoine. Si des abus de faiblesse ou des détournements sont avérés, des poursuites pénales sont possibles. Il est donc indispensable pour le tuteur de respecter scrupuleusement ses obligations et de rendre compte en toute transparence.
La gestion des biens d’un majeur sous tutelle s’avère donc une mission lourde et complexe, qui pèse sur les épaules du tuteur tout au long de la mesure. Mais elle constitue aussi un gage de protection indispensable pour la personne vulnérable, afin de préserver son cadre de vie et la valeur de son patrimoine, dans le respect de sa volonté et de sa dignité. Un bel exemple de solidarité et de responsabilité, sous le regard bienveillant de la Justice.